Mardi 13 Avril 2021
03h03
En haut de cette dune je revois notre enfance,
en haut de cette dune je sens votre présence,
il y a celle de l’enfant qui y découvre le monde,
et celle d’une bande qui pleure leur pères.
En haut de cette dune, j’y apprend la complexité,
j’entrevois la mort autant que la vie,
j’entends le train qui nous réveille au petit matin,
quand glacé nous nous réveillons emmitouflé dans nos manteau,
nos bras qui contre nos ventres se serrent,
comme deux morts déjà laissés à celui qui voudra bien s’en
souvenir.
En haut de cette dune, je le vois le marin, y construire sa cabane en
chantant,
résolu, il attend, au même endroit ou bourré, pour la dernière
fois, il a posé son cul,
ce soir ou pendant des heures, il a juste regardé là bas,
et depuis il se balade, puant, à choper une bâche pour se faire un
toit.
En haut de cette dune, je vois ce feu d’artifice, ou nos corps se
sont touchés,
tranquillement, presque logiquement nous avions su qu’il était
temps de se comprendre,
alors tandis que le ciel hurlait nous nous sommes découvert,
et y avons compris la peau qui se soulève.
En haut de cette dune je me souviens de ce soir ou tu m’avais
rejoint,
j’étais en pleur, comme un adolescent qui observe que ces parents
sont aussi incapables que lui,
nous avons passé la soirée à s’aimer.
En haut de cette dune à y vomir sa première poliakov,
à y passer des heures à échanger nos salives,
à y faire dévaler les ballots de pailles,
à y voir les extraterrestre,
à y dessiner le lampadaire, l’imaginaire d’une ville en feu.
En haut de cette dune on y revient plus, on y traverse plus ce no
man’s land de ces rails rendu à la vallée, je n’y vois même
plus de gamins y jouer ou s’y découvrir. Je n’y vois même plus
les vieux qui nous surprenait à faire les cons sur les trains.
En haut de cette dune, bourré, j’y retourne parfois, je le vois le
marin, hirsute, aboyer quelque chose dans ma direction, alors je
baisse la tête pour le saluer. Peut être qu’un jour je le
rejoindrais, je comprend profondément ce qu’il construit.
Je comprends profondément cette envie d’être au même endroit
chaque matin, de ne pas avoir l’intérêt d’essayer et attendre.
« En haut de cette dune, comme le marin, j’attends. On se
comprend de mieux en mieux, je crois que je sais quand il ne faut pas
l’emmerder. Je suis venu me foutre ici parce que je n’avais envie
d’autre chose. Je ne crois pas qu’il soit possible de façonner
votre monde à mon image et je pense n’avoir aucune prétention que
de pouvoir radoter le peu de poésie que j’ai aux deux trois
passants que je vois chaque jours. Alors je m’y suis fait un toit
entre deux branches et j’ai ma guitare. Je ne vais pas dire que je
ne dors pas beaucoup, je ne vais pas vous faire croire que je ne
passe pas mes journées à boire mais cela me convient. Je n’ai
jamais été jaloux de la vie des réseaux, au-delà de l’amour que
certains avaient l’air de se vouer.
Je n’ai jamais eu envie de voyager et je n’ai jamais compris ce
besoin de partir quitte à vivre d’aéroport en aéroport, j’ai
toujours eu peur de l’avion, et j’ai toujours trouvé que le
bruit d’une vague sur un rocher était le plus beau chant du monde,
je n’avais pas à aller très loin.
Je trouve ça drôle l’ethnocentrisme dont font part ces gens qui
passent leurs vacances dans d’autre pays et n’ai du coup jamais
vraiment compris ce besoin d’aller découvrir l’autre.
En haut de cette dune, j’ai toujours su que j’y reviendrais, il
n’y a que là que je me sente bien. Petit déjà je pouvais
commander un café à une terrasse et la journée durant regarder les
gens vivre. Je crois que je suis moins triste que vous ne l’êtes
pour moi de ne rien faire, je n’ai jamais eu d’intérêt pour
autre chose. Que de reconnaître cette hirondelle qui se pose chaque
jour sur le même arbre, cette voiture que je vois passer à la même
heure, et toutes ces questions m’occupent bien assez.
Je ne vois pas en quoi les milliers de soleils que je vivrait ici,
qui seront tous différents, fait de moi un être moins curieux que
tous ces autres.
A travers la vie des autres, j’essaye autant que vous d’y
répondre aux sujets de la vie, par exemple je pense qu’il n’est
raciste que de se moquer de l’autre, il est en revanche raciste de
ne pas se demander si cela à pu l’être.
En haut de cette dune, j’aurais pu, j’aurais voulu autre chose,
un fragment d’événement, de lieux, de personnes bien défini, et
puisque cela n’a eu lieu, alors ici je suis bien. Sans rien d’autre
que mon carnet, de l’alcool, un lit et une guitare, je passe mes
journées à y grogner.
Et je pense comme tout ces autres les questions existentielles qui se
murmurent à nos oreilles, la mienne étant pourquoi tirer une latte
sur sa cigarette électronique après avoir bu trop de bières simule
le goût du lait ?
En haut de cette dune, la vie est triste parfois, le pire c’est la
solitude et cette sensation que la mort ne serait au fond pas
vraiment plus triste que tout ce qui se vit ici, mais je ne suis pas
sur que cela soit propre à cette dune, alors quand j’aperçois le
marin qui titube en essayant de remonter du chemin, je passe la
soirée à rire. On fait comme vous ici, il y a les jours sans y
penser, et puis il y a ces nuits ou devant l’immensité de ce ciel
éclaboussant on se dit que l’on est rien et qu’au delà de toute
prétention on ne fait pas vraiment grand-chose non plus, alors ces
nuits sont heureuse parce que l’on se dit qu’ici on a compris.
En haut de cette dune, comme mon voisin je l’attend aussi, je suis
plus là parce que j’ai compris que ne pas y être revenais au
même. Je ne crois pas vraiment qu’il puisse y avoir autre chose
mais le peu qu’il me reste de pensée m’ordonne de m’y
attacher.
En haut de cette dune, certains soirs, au fond de ma bière j’y
entend un violoncelle, le son est grave et vient du bout du champs de
l’autre côté de l’horizon, en s’approchant, il ricoche sur la
cime des arbres à l’orée de la forêt et le son s’adoucit.
Alors l’écho de sa musique vient l’accompagner et des deux côtés
de la dune on entend des sons aigus transpercer les arbres,
s’avançant, reculant. Quand il joue je me demande d’où cela
vient mais je me demande surtout ce que cela dit, qui est ce cri et
pourquoi m’embrasse t’il.
En haut de cette dune, parfois j’y descend, de mes godasses usées
j’y vais au supermarché y acheter de quoi vivre. Je les vois
gueuler sur les deux cadavres qui occupent les terres dont ne sait
même pas qui. J’ai toujours été fasciné par le bourré à la
rue, pas que je trouve sa vie simple ni envieuse, mais ce qui me
fascine c’est ce dégoût qu’exprime les autres sans volonté
réelle d’y changer quoi que ce soit. Que ce soit de lui payer un
toit pour qu’il ne vienne plus jouir sa vinasse à trois heure du
mat, ou même le tuer pour régler le problème. Ce n’est rien de
plus qu’un indésirable, que l’on construit pour y désirer nos
vies. Je suis heureux d’être cet épouvantail.
En haut de cette dune, j’aurais pu, j’aurais dû autre chose, un
fragment d’événement, de lieux, de nous deux défini, et puisque
cela n’a eu lieu, alors ici je suis bien. Sans rien d’autre que
mon carnet, de l’alcool, un lit et une guitare, je passe mes
journées à y grogner.
En haut de cette dune, la vie est triste, le pire c’est la solitude
et cette sensation que la mort ne serait au fond pas vraiment plus
triste que tout ce qui se vit ici, que je n’avais qu’une vie
c’était de m’y jeter dans tes bras. Alors quand j’aperçois le
marin qui titube en essayant de remonter du chemin, je passe la
soirée à oublier. On fait comme vous ici, il y a les jours sans y
penser, et puis il y a ces nuits ou devant l’immensité de ce ciel
hurlant on se dit que l’on est rien et qu’au delà de toute
prétention on ne fait pas vraiment grand-chose non plus, alors ces
nuits sont heureuses parce que l’on se dit qu’ici il nous a
éveillé.
En haut de cette dune, comme mon voisin je l’attend aussi, je suis
plus là parce que j’ai compris que d’aucune de ces seines nous
ne nagerions ensemble. Je ne crois pas vraiment qu’il puisse y
avoir autre chose mais le peu qu’il me reste de pensée m’ordonne
de m’y masturber.
Au delà de la masturbation je me souviens, dans cet instant ou mes
yeux se reposent sur la tôle, que mon souffle quitte la scène, se
crée un empire. C’est l’envie d’écrire ce que tout cela dit
de nous, c’est l’envie d’écrire le plus beau des romans auquel
tu ne pourra pas fuir, c’est l’envie d’écrire les sévices que
je pourrais me faire avant que tu me revienne, c’est l’envie
d’écrire le pathétique qui de tout cela tamise une vie je crois.
Il est pathétique le voisin, pas qu’il est un but, c’est noble
de ne pas être cynique ! C’est un érudit, il le souffre,
tout ce qu’il sait de pathétique qu’il y a de s’ouvrir le
ventre pour lui faire voir ce qu’est une carcasse, lui montrer
qu’il n’y a que l’autre qui fait qu’il ne se bouffe pas, que
c’est toujours l’amour qui fait la vie ici, que sans celui ou
celle qui y gravira la dune, il s’y bouffera le cœur.
Et en haut de cette dune j’ai cent ans, je ne suis pas léthargique,
ce fut une vie, mais je ne sais plus quel âge j’ai. Cela fait bien
longtemps que je ne connais plus le jour. Il n’a jamais été
question de mort, pas plus que de vie, j’ai compris dès que j’ai
posé mon cul ici que les deux passeraient l’éternité ensemble.
Je ne suis pas léthargique, je rêve, tout les jours je rêve, comme
un gamin je suis persuadé de savoir voler, comme un gamin je suis
persuadé de savoir communiquer par la pensée avec la terre entière.
J’ai cent ans, il n’y a pas de jours, pas de nuits, pas de
souvenirs autre que le bruit de la pluie, plus rien ne me fait rire
d’autre que d’effrayer les passants.
J’ai mille ans, je ne sais pas combien de fois l’arbre en face
s’est dénudé, je ne sais pas combien de fois j’ai hurlé contre
les renards, je n’ai plus la force, je ne suis qu’allongé face
au ciel.
J’ai mille
ans, ou peut être trente, j’ai mille ans, le monde n’a pas tant
avancé mais il n’a jamais été autre chose qu’une seconde, je
ferme les yeux et je ne les vois plus, je n’entend que le
violoncelle qui gronde. Je le sens au fond de la terre, je la sens
qui tremble, c’est le violoncelle qui s’éveille, bientôt il
s’envolera au
dessus du ciel, il s’élèvera plus
haut que la plus haute de nos machine, le clapotis de
ses frères viendront
s’abattre sur les feuilles, et lui courant d’un
bout à l’autre de l’espace. Pendant des heures il exulte,
bousculant les nuages, faisant trembler les montagnes, la main ferme
sur l’archet qui s’écrase contres les cordes, des ouïes
une voix
puissante et tendre hurle à la terre, puis
épuisé, d’un dernier fracas, il s’abat sur mes pieds, alors
pendant un court instant on l’entend qui murmure dans
le sol, on l’entend qui s’essouffle en creusant, et alors que la
voix s’éloigne elle se tarit.
J’ai mille ans, comme le violoncelle, j’ai compris. J’ai mille
ans, j’ai été voir au-dessus des arbres, j ‘ai pleurer de tout
ce souffle dans ma pupille, puis j’ai refermé les yeux et j’ai
été dormir au creux de la terre. »