lundi 19 avril 2021

En haut de cette dune,

 
Mardi 13 Avril 2021
03h03



En haut de cette dune je revois notre enfance,
en haut de cette dune je sens votre présence,
il y a celle de l’enfant qui y découvre le monde,
et celle d’une bande qui pleure leur pères.

En haut de cette dune, j’y apprend la complexité,
j’entrevois la mort autant que la vie,
j’entends le train qui nous réveille au petit matin,
quand glacé nous nous réveillons emmitouflé dans nos manteau,
nos bras qui contre nos ventres se serrent,
comme deux morts déjà laissés à celui qui voudra bien s’en souvenir.

En haut de cette dune, je le vois le marin, y construire sa cabane en chantant,
résolu, il attend, au même endroit ou bourré, pour la dernière fois, il a posé son cul,
ce soir ou pendant des heures, il a juste regardé là bas,
et depuis il se balade, puant, à choper une bâche pour se faire un toit.

En haut de cette dune, je vois ce feu d’artifice, ou nos corps se sont touchés,
tranquillement, presque logiquement nous avions su qu’il était temps de se comprendre,
alors tandis que le ciel hurlait nous nous sommes découvert,
et y avons compris la peau qui se soulève.

En haut de cette dune je me souviens de ce soir ou tu m’avais rejoint,
j’étais en pleur, comme un adolescent qui observe que ces parents sont aussi incapables que lui,
nous avons passé la soirée à s’aimer.

En haut de cette dune à y vomir sa première poliakov,
à y passer des heures à échanger nos salives,
à y faire dévaler les ballots de pailles,
à y voir les extraterrestre,
à y dessiner le lampadaire, l’imaginaire d’une ville en feu.


En haut de cette dune on y revient plus, on y traverse plus ce no man’s land de ces rails rendu à la vallée, je n’y vois même plus de gamins y jouer ou s’y découvrir. Je n’y vois même plus les vieux qui nous surprenait à faire les cons sur les trains.


En haut de cette dune, bourré, j’y retourne parfois, je le vois le marin, hirsute, aboyer quelque chose dans ma direction, alors je baisse la tête pour le saluer. Peut être qu’un jour je le rejoindrais, je comprend profondément ce qu’il construit.
Je comprends profondément cette envie d’être au même endroit chaque matin, de ne pas avoir l’intérêt d’essayer et attendre.


« En haut de cette dune, comme le marin, j’attends. On se comprend de mieux en mieux, je crois que je sais quand il ne faut pas l’emmerder. Je suis venu me foutre ici parce que je n’avais envie d’autre chose. Je ne crois pas qu’il soit possible de façonner votre monde à mon image et je pense n’avoir aucune prétention que de pouvoir radoter le peu de poésie que j’ai aux deux trois passants que je vois chaque jours. Alors je m’y suis fait un toit entre deux branches et j’ai ma guitare. Je ne vais pas dire que je ne dors pas beaucoup, je ne vais pas vous faire croire que je ne passe pas mes journées à boire mais cela me convient. Je n’ai jamais été jaloux de la vie des réseaux, au-delà de l’amour que certains avaient l’air de se vouer.
Je n’ai jamais eu envie de voyager et je n’ai jamais compris ce besoin de partir quitte à vivre d’aéroport en aéroport, j’ai toujours eu peur de l’avion, et j’ai toujours trouvé que le bruit d’une vague sur un rocher était le plus beau chant du monde, je n’avais pas à aller très loin.
Je trouve ça drôle l’ethnocentrisme dont font part ces gens qui passent leurs vacances dans d’autre pays et n’ai du coup jamais vraiment compris ce besoin d’aller découvrir l’autre.

En haut de cette dune, j’ai toujours su que j’y reviendrais, il n’y a que là que je me sente bien. Petit déjà je pouvais commander un café à une terrasse et la journée durant regarder les gens vivre. Je crois que je suis moins triste que vous ne l’êtes pour moi de ne rien faire, je n’ai jamais eu d’intérêt pour autre chose. Que de reconnaître cette hirondelle qui se pose chaque jour sur le même arbre, cette voiture que je vois passer à la même heure, et toutes ces questions m’occupent bien assez.
Je ne vois pas en quoi les milliers de soleils que je vivrait ici, qui seront tous différents, fait de moi un être moins curieux que tous ces autres.
A travers la vie des autres, j’essaye autant que vous d’y répondre aux sujets de la vie, par exemple je pense qu’il n’est raciste que de se moquer de l’autre, il est en revanche raciste de ne pas se demander si cela à pu l’être.

En haut de cette dune, j’aurais pu, j’aurais voulu autre chose, un fragment d’événement, de lieux, de personnes bien défini, et puisque cela n’a eu lieu, alors ici je suis bien. Sans rien d’autre que mon carnet, de l’alcool, un lit et une guitare, je passe mes journées à y grogner.
Et je pense comme tout ces autres les questions existentielles qui se murmurent à nos oreilles, la mienne étant pourquoi tirer une latte sur sa cigarette électronique après avoir bu trop de bières simule le goût du lait ?

En haut de cette dune, la vie est triste parfois, le pire c’est la solitude et cette sensation que la mort ne serait au fond pas vraiment plus triste que tout ce qui se vit ici, mais je ne suis pas sur que cela soit propre à cette dune, alors quand j’aperçois le marin qui titube en essayant de remonter du chemin, je passe la soirée à rire. On fait comme vous ici, il y a les jours sans y penser, et puis il y a ces nuits ou devant l’immensité de ce ciel éclaboussant on se dit que l’on est rien et qu’au delà de toute prétention on ne fait pas vraiment grand-chose non plus, alors ces nuits sont heureuse parce que l’on se dit qu’ici on a compris.

En haut de cette dune, comme mon voisin je l’attend aussi, je suis plus là parce que j’ai compris que ne pas y être revenais au même. Je ne crois pas vraiment qu’il puisse y avoir autre chose mais le peu qu’il me reste de pensée m’ordonne de m’y attacher.


En haut de cette dune, certains soirs, au fond de ma bière j’y entend un violoncelle, le son est grave et vient du bout du champs de l’autre côté de l’horizon, en s’approchant, il ricoche sur la cime des arbres à l’orée de la forêt et le son s’adoucit. Alors l’écho de sa musique vient l’accompagner et des deux côtés de la dune on entend des sons aigus transpercer les arbres, s’avançant, reculant. Quand il joue je me demande d’où cela vient mais je me demande surtout ce que cela dit, qui est ce cri et pourquoi m’embrasse t’il.


En haut de cette dune, parfois j’y descend, de mes godasses usées j’y vais au supermarché y acheter de quoi vivre. Je les vois gueuler sur les deux cadavres qui occupent les terres dont ne sait même pas qui. J’ai toujours été fasciné par le bourré à la rue, pas que je trouve sa vie simple ni envieuse, mais ce qui me fascine c’est ce dégoût qu’exprime les autres sans volonté réelle d’y changer quoi que ce soit. Que ce soit de lui payer un toit pour qu’il ne vienne plus jouir sa vinasse à trois heure du mat, ou même le tuer pour régler le problème. Ce n’est rien de plus qu’un indésirable, que l’on construit pour y désirer nos vies. Je suis heureux d’être cet épouvantail.



En haut de cette dune, j’aurais pu, j’aurais dû autre chose, un fragment d’événement, de lieux, de nous deux défini, et puisque cela n’a eu lieu, alors ici je suis bien. Sans rien d’autre que mon carnet, de l’alcool, un lit et une guitare, je passe mes journées à y grogner.
En haut de cette dune, la vie est triste, le pire c’est la solitude et cette sensation que la mort ne serait au fond pas vraiment plus triste que tout ce qui se vit ici, que je n’avais qu’une vie c’était de m’y jeter dans tes bras. Alors quand j’aperçois le marin qui titube en essayant de remonter du chemin, je passe la soirée à oublier. On fait comme vous ici, il y a les jours sans y penser, et puis il y a ces nuits ou devant l’immensité de ce ciel hurlant on se dit que l’on est rien et qu’au delà de toute prétention on ne fait pas vraiment grand-chose non plus, alors ces nuits sont heureuses parce que l’on se dit qu’ici il nous a éveillé.
En haut de cette dune, comme mon voisin je l’attend aussi, je suis plus là parce que j’ai compris que d’aucune de ces seines nous ne nagerions ensemble. Je ne crois pas vraiment qu’il puisse y avoir autre chose mais le peu qu’il me reste de pensée m’ordonne de m’y masturber.

Au delà de la masturbation je me souviens, dans cet instant ou mes yeux se reposent sur la tôle, que mon souffle quitte la scène, se crée un empire. C’est l’envie d’écrire ce que tout cela dit de nous, c’est l’envie d’écrire le plus beau des romans auquel tu ne pourra pas fuir, c’est l’envie d’écrire les sévices que je pourrais me faire avant que tu me revienne, c’est l’envie d’écrire le pathétique qui de tout cela tamise une vie je crois.

Il est pathétique le voisin, pas qu’il est un but, c’est noble de ne pas être cynique ! C’est un érudit, il le souffre, tout ce qu’il sait de pathétique qu’il y a de s’ouvrir le ventre pour lui faire voir ce qu’est une carcasse, lui montrer qu’il n’y a que l’autre qui fait qu’il ne se bouffe pas, que c’est toujours l’amour qui fait la vie ici, que sans celui ou celle qui y gravira la dune, il s’y bouffera le cœur.


Et en haut de cette dune j’ai cent ans, je ne suis pas léthargique, ce fut une vie, mais je ne sais plus quel âge j’ai. Cela fait bien longtemps que je ne connais plus le jour. Il n’a jamais été question de mort, pas plus que de vie, j’ai compris dès que j’ai posé mon cul ici que les deux passeraient l’éternité ensemble. Je ne suis pas léthargique, je rêve, tout les jours je rêve, comme un gamin je suis persuadé de savoir voler, comme un gamin je suis persuadé de savoir communiquer par la pensée avec la terre entière. J’ai cent ans, il n’y a pas de jours, pas de nuits, pas de souvenirs autre que le bruit de la pluie, plus rien ne me fait rire d’autre que d’effrayer les passants.
J’ai mille ans, je ne sais pas combien de fois l’arbre en face s’est dénudé, je ne sais pas combien de fois j’ai hurlé contre les renards, je n’ai plus la force, je ne suis qu’allongé face au ciel.
J’ai mille ans, ou peut être trente, j’ai mille ans, le monde n’a pas tant avancé mais il n’a jamais été autre chose qu’une seconde, je ferme les yeux et je ne les vois plus, je n’entend que le violoncelle qui gronde. Je le sens au fond de la terre, je la sens qui tremble, c’est le violoncelle qui s’éveille, bientôt il s’envolera au dessus du ciel, il s’élèvera plus haut que la plus haute de nos machine, le clapotis de ses frères viendront s’abattre sur les feuilles, et lui courant d’un bout à l’autre de l’espace. Pendant des heures il exulte, bousculant les nuages, faisant trembler les montagnes, la main ferme sur l’archet qui s’écrase contres les cordes, des ouïes une voix puissante et tendre hurle à la terre, puis épuisé, d’un dernier fracas, il s’abat sur mes pieds, alors pendant un court instant on l’entend qui murmure dans le sol, on l’entend qui s’essouffle en creusant, et alors que la voix s’éloigne elle se tarit.
J’ai mille ans, comme le violoncelle, j’ai compris. J’ai mille ans, j’ai été voir au-dessus des arbres, j ‘ai pleurer de tout ce souffle dans ma pupille, puis j’ai refermé les yeux et j’ai été dormir au creux de la terre. »