23h22
J’ai
le besoin de faire tomber la veste, d’écrire comme pour vous dire
qui je suis ou j’en suis, et certainement plus d’où je viens.
C’est pratiquement le premier truc à comprendre puis brûler.
D’où
l’on vient, on peut chercher à le comprendre pendant des milliers
de pages, des milliers de larmes, des milliers de regards dans le
vide, des milliers d’angoisses, des milliers de réveils
dégueulasses, en ériger des symboles, mais une fois que c’est
compris ? En juger les acteurs ? En scander les malheurs ?
En ériger un drame ? Je crois que ce n’est bon qu’à s’en
souvenir, le garder en mémoire et le ressortir juste quand il est
nécessaire de se rappeler.
J’ai
besoin de faire tomber la veste, d’arborer le statut de malade,
d’angoissé, celui que vous voudrez, intensité surtout,
d’alcoolique, d’obsessif, de phobique. J’ai besoin d’oser qui
je suis pour ne plus avoir à faire semblant. Un jour j’ai dis à
mon psy que j’avais une grande gueule, que je prenais toujours
toute la place en société, où que je sois, que j’étais trop sur
de moi et que j’avais envie de changer. Alors il m’a dit :
« vous pensez que vous êtes trop sur de vous ? La
personne sur d’elle, elle dit ce qu’elle a à dire puis elle se
tait non ? Si elle n’a rien d’autre à dire ?! ».
Je ne veux plus être cette personne, comme je ne veux plus être le
gars que l’on chambre sans penser à mal, comme je ne veux plus
être le gars que l’on touche et qui sursaute comme si tout son
être était rempli de militaires que l’on auraient jeté dans un
guet apens et qui attendraient, pétrifiés, bougeant nerveusement,
de savoir d’où viendrais le danger.
Je veux faire tomber la
veste, je ne veux plus passer pour un abruti dans une foule de
cinquante mille personnes quand on me demande si je veux faire un
slam et que je dis en blaguant que je ne peux à cause de mon poids,
je me rappellerais toujours cette réponse d’un parfait inconnu «
ba pourquoi ? ». C’est à ce moment que je me suis rendu
compte que certains pouvaient porter une caravane sans se poser de
question, à ce moment là je me suis senti libéré, oui je suis
malade et oui il n’est absolument pas normal d’être obèse
morbide quoi que tout les abrutis puissent en dire mais ça
n’appartient qu’à moi et je n’ai pas perdu le droit de vivre.
C’est à ce moment là que je me suis rendu compte qu’hormis mes
amis personne n’en avait rien à foutre de mon poids dans tout le
festival, c’est à ce moment là que je me suis dis qu’il était
important de se construire.
Le
plus dur c’est de faire tomber les statues, la tienne, celle de ma
grand-mère et tant d’autres, et même des préceptes : « le
génie n’a pas besoin du travail », « on peut faire
statue de toute glaise », « repousser ce n’est pas
chuter », « Il suffit juste de se lever et de se dire que
l’on veut autre ».
Elles sont là justement parce
qu’elles sont mortes, qu’il est bien plus simple de graver quand
tout est figé, qu’il est bien plus simple de prier quand il est
absent. C’est une reconstruction lâche, certaines de ces idoles ne
sont même pas mortes, c’est une reconstruction lâche, mais il se
joue ici la perte. La perte comme repère et la perte comme
reconstruction, la perte aussi, comme enseignement.
Comme s’il
n’était possible d’investir qu’à travers elle.
Le
plus dur c’est de faire tomber ta statue. C’est toutes mes nuits,
c’est celle que je pense toujours, c’est comme parler au mort à
la place des vivants, parce que cela m’est plus simple.
Mais
tu es toujours là, tu es la seule, j’ai fait mourir ma mère, mon
grand frère, ma grand-mère, mon grand-père, ma maison, le moi du
lycée, la clope, l’alcool, les absolus, les transes, les
incontinences, les seins, les modèles, l’idée de toujours être
au dessus du réel et d’en mourir jeune s’il le faut, mais pas
toi.
C’est la seule chose, je crois, que je ne comprend
toujours pas, je pourrais être papa aujourd’hui, je pourrais
aimer, mais je ne saurais me dévêtir, j’ai l’impression de te
tromper, j’ai l’impression de nous saloper.
J’ai
même réussi à y comprendre mon vieux! Mais tu es la statue qui
trône, je ne peux aimer sans te penser, je ne peux dormir sans te
penser, je ne peux excès sans te vouloir, je ne peux me reposer sans
t’espérer.
Et
je sais, je ne t’écris plus, j’ai laissé le marin à ses
mourantes et pourtant, j’ai toujours ce sourire gravé dans ma
mémoire et ce rire. Et c’est marrant, j’ai fait un rêve l’autre
soir ou je ne sais pourquoi on était de nouveaux ensemble, déjà
dans les trois quarts on ne baise jamais et c’est une
problématique, mais pas là, tout était génial, je venais chez
toi, je revoyais toute ta famille, on faisais des soirées avec des
potes mais très vite j’ai compris, tout ce qui m’étais
insupportable et le rêve s’est transformé en angoisse, je voulais
absolument me barrer, j’en rencontrais une autre et je n’avais
qu’envie d’être avec elle.
Je
ne pense pas que ce fut horrible loin de là, ce n’es pas la
volonté de cet écris mais je crois que ça montre pourquoi je n’ai
pas compris notre dernière nuit, pourquoi je dois demander à mon
psy ce que tout cela signifie alors que lui même est à deux doigts
de me rembourser cette séance éhonté.
Comme
si te maintenir au présent me maintenait loin de notre passé, comme
si te vivre m’éveillait, comme si te souffrir avait un besoin de
pénitence. Comme si te présent me maintenait, comme si te passé
m’appaisait.
Je
m’en veux, de tout, je m’en veux et je commence à le combattre,
j’ai du mal quand on me reproche ce dont je ne pense pas être
fautif, ce n’est sûrement de la faute de la personne, j’ai trop
longtemps tout accepter. Tu n’es peut être que le zéro de ma
valeur justice, mais je le sais tout cela, je le théorise tout cela.
Pourquoi bourré, alors que j’ai un sourire à qui me vouer, je ne
pense qu’à toi? Pourquoi dès la fin d’un concert, que
l’endorphine me submerge, je ne pense qu’à t’embrasser ?
Et tu sais ce qui est le plus flippant, c’est que je n’ai même
pas envie de le résoudre, le comprendre, j’ai encore envie de me
penser te danser, bourrer, à t’entendre rire bien au-delà des
murs et comme avant t’embrasser.
«
Ce que je ne vis pas me rend plus fort », je crois que pour moi
c’est notre présent, il y a un délire presque de cabane, presque
enfantin et en même temps on s’est construit à travers des
malmenants. Ta mère était totalement abjecte avec toi, ton rôle
était presque celui d’un conjoint alors que tu avais quinze ans.
Dans un autre registre, ma mère et mon père étaient totalement
abjecte avec nous, lui ne voulais pas que je te fasse de mal, c’est
dire ce qu’il pense de ses enfants, et elle ne voulait juste pas se
contraindre à une engueulade. Pour toi ma mère était fautive, et
tu m’étonne ! Seule responsable de notre vue de gosse, de
toutes ces nuits ou on ne rêvait que de s’aimer, à s’endormir
dans les bras… Ou elle défonçait la porte pour nous réveiller
parce que l’on avait outre passer, mais outre passer quoi ? Le
droit de se dormir dans les bras ? Et lui, à refuser de revivre
sa jeunesse à travers nous ? On l’emmerde… Alors Vince qui
nous ramène, de ci de là, à trois heures du mat…
Je
n’excuserait jamais ma mère, parce qu’il est trop simple de dire
qu’elle n’avait le choix, elle a décidée ! Elle a jugé contre,
c’est également de sa faute ! Je n’excuserait jamais mon
père de ne jamais m’avoir dit pourquoi il m’était impossible
d’aimer celle, avec tout ce qu’il y a de passion et de trivial.
Mais
je peux les comprendre, je crois que tout ce qui fut dans leur propre
couple n’a été que virus…
Je
n’excuserais jamais ma mère de n’avoir su entreprendre, autre
que sa vie à travers lui et après de m’en avoir surchargé. Je ne
l’excuserais jamais de n’avoir été là sauf quand il ne le
devait pas, mais ce fut notre histoire. Ta mère qui use de ta
grand-mère pour te gifler, moi qui raquette l’ensemble de ma
famille pour te payer un stylo plume, toi qui m’organise le plus
beau des anniversaire, moi qui m’en fout. Je pense que l’on est
née de trop de besoin pour en être, que si aujourd’hui on se
rencontrait dans un bar, déjà je te ferais des blagues pourries et
il y aurait un armistice, se penser, avant de chavirer.
J’étais
ce gamin en veste de smoking, tu avais besoin d’aimer autre et
j’avais besoin de ma brune pour en être.
Mais,
mais, mais, tu es toujours là, depuis le premier souffle :
« Quand
on est tellement seul que même la solitude,
Vous semble être
une amie dont on se passerait,
Celle qui fut toujours là depuis
le premier souffle,
Qui depuis ce jour-là ne veut plus vous
quitter.
Quand vous ne savez plus qu'un jour vous saviez
rire,
Quand le mal a choisi votre âme pour empire.
Quand
tous les romantiques et les tristes du monde,
Ont choisi votre
cœur pour se mettre à pleurer.
Que tout est noir,
Que
tout est noir,
Comment te dire,
Que tout est noir,
Comment
j'ai peur,
Comment j'ai froid,
Comment te dire,
Quand
t'es pas là,
Que moi sans toi,
Ca ne veut rien
dire,
Comment te dire, dis-moi,
Comment te dire,
Que
moi sans toi,
C'est comme un rire,
Qui trouve pas,
Vers
où mourir. »
Je
ne suis pas de ceux : « qui se conçoit bien s’énonce
clairement », je suis plutôt de ceux : « ce que
j’ai du mal à concevoir ce doit d’énoncer »...
Peut
être que tout cela n’advient que parce que pour la première fois
depuis tente ans, je me vois être.
Peut
être que tu es la dernière statue à détruire parce que tu es un
devenir. Ou peut être tout simplement que je nous vois en accord au
dessus de la meute.
Je
t’aime, je ne sais pas comment, pas de qu’elle manière, si c’est
de notre histoire ou de ce que j’entrevois, mais il est certains
que je t’aime.
Parce
que moi je n’ai qu’à te dire que tu l’a sauver ma peau, qui
que tu sois au final, tu es presque le seul souvenir que j’ai
d’heureux.
En
tout cas je sais, et je sais d’exercice anciens comme récents,
qu’il n’y a qu’à toi que je pourrais dire avarices.
Il
n’y a qu’a toi, statues ou peut être bien trop vivantes, que je
pourrais dire, au creux de tes genoux, à y lever ma gueule à tes
lèvres.
Pour
y dire et en écouter notre ruisseau… Ce tressaillement, un
silence, cette virgule constante sur un cailloux, c’est toute notre
vie.
Chantons !
Chantons, l’amour jusqu’à la mort ! Chantons ! Une
éclipse sans aurore ! Comme lui dire au revoir un matin sans
jamais la voir franchir la porte. Debout, ivre, dans ce salon, le
genoux qui claque sur la table basse. Tu la chante, celle qui est
partie au petit matin, son sweat au bout du cou, d’un matin qui se
perle, tu la conchie dès que son sourire a disparue, parce que tu
sais qu’elle ne sera que cet éphémère. D’une nuit, sa main
contre le mur, d’une nuit la tienne qui ouvre ses fesses, d’un
nuit à boire des cendriers, d’une nuit à s’exploser à travers
son bide… Les jours de fêtes…
Ce
tressaillement, c’est toujours le tien, et je sais quand ça ne le
sera plus, ça a toujours été le tien même quand on ne
s’appartenait plus, lorsque l’on ne suffisait pas !
Je
crois que tu en es la statue, parce que ma relation à mon père est
morte et c’est reconstruit, celle de ma mère se rétablit, le
souvenir de ma grand-mère est un patch, mon frère s’est
intermédiaire, mais tu es l’inachevée… L’inachevée de celle
qui aurait pu être, je crois encore maintenant que ce n’était pas
important de se survivre, mais je crois que tu réside dans ce
survivre, nous sommes mariées par toutes nos guerres, on en a
déclamés des conquêtes de généraux rangés, il est grand temps
de se gloire. Toi et moi, d’en devenir…
Tout
ces textes sur des plaines immaculés ne sont que les tiens, je t’ai
espérer trop tard mais je nous crois encore, d’en écrire encore
et pour toujours des souvenirs de marins qui se demande sans sommeil,
ou l’autre se trouve.
On
est encore, ce perdu qui la devine, qui la demande, qui se demande ou
elle se trouve, qui s’asseyant sur un banc, l’invoque par la
pensée.
On
est encore ces galériens qui se chantent dans nos rêves, qui se
devinent à travers un spleen, qui s’inventent le cul sur un banc.
Aucun
de nous deux n’a aimé comme l’on s’est aimé. Je sais que tu
ne voudra jamais y répondre, tu pense nous avoir chassé en
traversant une mer, dans une capitale, un soleil au travers une
falaise.
D’Irlande
ou de France, personne ne pourra nous ignorer, partout, il est
l’histoire d’une brune, d’une grâce au sourire de ciel, d’un
absolu qui raconte à qui veut l’entendre son horizon… D’une
sublime qui court juste pour l’ avoir fait…
Et
l’histoire d’un teigneux, voûté, qui, la clope au bec, y
regarde la plage comme un souvenir, du long d’une tige qu’il
crame.