samedi 13 juillet 2024

Paroles

 

08.09.2023

03h32




Paroles de ta mère :


C’est effrayant de se poser la question des enfants lorsqu'on se visualise uniquement au milieu d’un pont. Visualiser parce qu’on n'a pas le courage d’y mettre le pied. 

Si le noir est vraiment noir et si le blanc est vraiment blanc, le noir est égoïste et le blanc est un don de soi. À quel moment trancher quand on sait ce que l’on aimerait donner et ce que l’on aimerait garder à soi ? Est-ce qu’avoir un enfant est synonyme de sacrifice plein et entier de soi ? J’ai l’impression que oui.

Ce constat est effrayant à plusieurs niveaux, parce que j’ai l’impression d’avoir raison et tort à la fois. J’ai envie de faire vivre l’enfance que j’ai vécue à quelqu’un, j’ai envie de la suppléer avec ce que la vie m’a appris. Je me suis déjà imaginé emmener mon enfant en pleine nature pour lui apprendre l’importance des herbiers, l’emmener au musée pour lui montrer la manière dont on peut parler du passé au prisme du présent (en sachant que son père a pour horreur la médiation culturelle et que nous sommes en désaccord total là-dessus), lui lire des histoires parce qu’elles sont profondément belles et formatrice, lui proposer les sports collectifs pour qu’il n'ait pas à apprendre son importance.

Avoir un être qui ne m’appartient qu’à moitié et lui offrir les fenêtres qui m’ont été ouvertes. Je souhaite qu’il devienne baie vitrée, avec un paysage qui reste à l’écoute de l’autre, de ses évolutions.

J’aurais énormément de plaisir à lui enseigner les choses triviales, se laver, cuisiner, cultiver, prendre soin des altérités… Et c’est presque une perspective rassurante et pleine de fierté de m’imaginer au jour où il m’emmènera en balade dans le jardin qu’il se sera construit.


Et en même temps, toutes ses bonnes intentions sont contredites par de profonds désirs égoïstes. D’abord, la peur de mon corps. Il est… Efficace, mais comment réagir à un tel traumatisme ? Je ne sais pas si j’aurais assez de courage et d’amour pour l’enfant que j’aurai offert au monde, pour lui pardonner. Lui pardonner à lui et pardonner à moi. C’est une perte de contrôle évidente, courante et effrayante. 

Je n’ai pas envie d’avoir d'enfant si je le vis comme un fardeau, j’ai peur de le dés-aimé si c’est le cas. J’espère l’avoir au moment où j’aurais envie de lui offrir une partie de ma vie.

Néanmoins, j’ai mis un tel point d’honneur à vivre pour moi, à apprécier la solitude que je ne sais si je saurais… Je ne suis pas certaine de pouvoir dire que c’est un choix conscient et non une décision d’opportunité. Que je chérirais peut-être, mais que les circonstances m’auront « proposé ». J’ai profondément envie de l’aimer, j’ai profondément envie d’aimer l’homme avec qui je le fais, j’ai profondément envie de continuer à m’aimer ? Est-ce que l’amour ça peut se vivre en 3D ?


J’ai envie d’y plonger, pour le moment, égoïstement. Ce qui, depuis les premiers instants, m’a donné envie de l’aimer, c’est qu’il y accordait de la valeur au temps que l’on passait ensemble.

C’est la première fois que cette sensation n’a une date de péremption, qu’il n’est aussi peu myope que moi dans la relation. C’est la première fois que je vois nos différences, mais que j’ai envie de les explorer. Il est mon premier fantasme d’adulte et j’espère presque être son dernier.


Tout cela n’est qu’une question d’humilité et de don de soi finalement. Je suis sur le chemin de l’humilité, un jour peut-être que j’arriverai jusqu’au don. Finalement, tout cela s’apprend sur le tas. J’ai envie de me blottir dans ce tas et celui qu’il m’offre et d’en faire un monument. 


Qu’est-ce qu’un tas ? 

Y a-t-il une astuce pour construire un tas solide quand ses fondations ne sont pas nécessairement bancales ou en dehors de notre perception ? L’objectif, est-il de construire un château aux arêtes saillantes ? Et le pont-levis doit-il rester intrinsèquement fermé ? 


Oups… Je n’ai pas respecté la consigne de ton père, je crois. Mais je t’aime hein, je serais très heureuse que tu sois la matérialisation de 30 ans d’évolution et de t’offrir au monde ! ;) 





Paroles de ton père :


Je me pose la question de la paternité. En fait, sans tout cela, je me pose la question du désir d’être parent, de ce que l’on ne questionne jamais et qui est toujours une réalité : « Ils font un gosse pour continuer de s’aimer, ils font un gosse parce qu’elle le veut ».

La question du couple transsexuel ou autre ne sera pas traité, au-delà du couple homoparental qui aurait pu être le mien, je n’ai aucune expérience à donner qui pourrais y répondre et d’ailleurs, n’y connaissant rien (et étant plutôt songeur quant à la question) je n’ai aucune appréciation à avoir sur ce sujet.



Il est au-delà de la volonté potentiellement génétique de la chose, une propension, je le crois, à être parent.

J’ai une volonté, faire vivre plutôt que de laisser au néant et je crois que je ne sais malheureusement pas tant l’écrire. Mais je pense qu’il y a une volonté au-delà de ce qui pourrait être instinctif, de faire vivre promesse face au néant, de leur permettre, au toujours de saluer, de se suicider, mais d’y avoir dansé au moins une nuit, d’avoir promis une fois, d’avoir aimé une fois, d’avoir regardé une fois, juste d’avoir, cela vaudra tous les néants.

Je le dirais à mon gamin, je ne sais toujours pas ce que j’y fous là, je n’ai passé aucun jour sans en souffrir, sans avoir le corps en hyper vigilance, sans jamais me poser dix mille questions.

Et pourtant, je me ressusciterais à l’éternité pour y vivre toute votre souffrance, juste parce que ce n’est qu’ici que je ressentirais quelque chose, juste parce que j’ai déjà déposé tes lèvres sur les miennes, juste parce que je t’ai déjà enlacé, tes seins contre les miens, ce souffle dans mon cou.

Il n’y a aura jamais autre chose que ton baiser, entre le néant et ce vécu, qu’il soit rien, qu’il soit douleur, qu’il soit tristesse, il est...


J’ai une volonté, faire vivre plutôt que de laisser au néant, je crois que je ne sais malheureusement pas tant l’écrire. Mais je pense qu’il y a une volonté au-delà de ce qui pourrait être instinctif, de faire vivre toute promesse face au néant, de leur permettre : au toujours de saluer, de se suicider, mais d’y avoir dansé au moins une nuit, d’avoir promis une fois, d’avoir aimé une fois, d’avoir regardé une fois, juste d’avoir, cela vaudra tous les néants.

Il ne sera jamais aucune famille parfaite, la mienne est telle une cave sans lumière, mais toutes les familles pourraient participer au concours de la plus dégueulasse.

Je pense sincèrement qu’être parent est la pire mission du monde, au-delà de la question actuelle de l’écologie, il subsiste et subsistera toujours la question de la faute, parce qu’il en est toujours une en tant que parent, aussi sincère que soit cette mission il est toujours question de ce qui a manqué, un enfant en voudra toujours à ces parents, il l’emmerdera toujours sur ce qui a fait de lui un imparfait, c’est un impératif, pas que je dise que j’ai eu une enfance idéale, il est certains que j’aurais pus leur quémander de nombreuses choses, mais je suis vieux, j’ai été placé ici par eux et je ne peux passé leur vie à leur en vouloir, je ne peux que les aimer à travers tout ce qu’ils me foutent de l’urticaire, et essayer d’y vivre ici ba, rampant, contre les genoux de cette humanité.


Malgré eux. Se vivre malgré eux, c’est le devoir d’un enfant, quoi que réussissent leurs parents ou quoi qu’ils ratent, il est toujours question de subsistance, d’y vivre malgré, malgré ce qu’ils voudraient, qu’ils se foutent de l’exercice ou qu’ils souhaitent le réussir, il est toujours question d’y vivre malgré eux.



Je pense, malgré tout ce qui pourrait me demander des centaines d’heures de psychothérapie, avoir eu de la chance, que mes parents me laisse, très jeune, la liberté de me socialiser, d’aimer mes pairs, et je pense avoir trouvé tout ceux qui comme moi cherchaient à y comprendre un truc, quel qu’ils soient, à y comprendre qu’il y avait autre chose, qu’il est impossible d’y satisfaire le père, que la mère ne sera jamais autre qu’une étrangère qui vous étreint comme une poupée, comme si elle demandait à se rassurer pour s’endormir.


C’est pour toutes ces raisons, ce que j’ai pu comprendre, d’une volonté sans jamais essayer de t’y construire, d’une volonté sans jamais t’obliger, d’une volonté en commun avec ta mère de t’amener ici, c’est pour toutes ces raisons que je sais que rien de tout cela ne sera jamais parfait mais que je sais pourquoi tu dois vivre, et que je sais pourquoi c’est essentiel que t’y promène un sourire sur cette terre, il est sur que je t’implorerais de toujours avoir cette bonhomie face à la totalité des connards qui la peuple.


Si jamais tu lisais cela un jour j’ai juste envie que tu saches que quoi que soit devenue notre relation ta mère et moi, ce sera toujours celle qui t’a exaucé et bien que j’espère ne jamais la trahir, s’il m’en venait la lâcheté, sache qu’elle sera au toujours la créatrice de ce que je considère comme étant la plus belle chose sur terre.


Sache que j’ai absolument voulu que tu naisses parmi nous, si un jour, tu as un regret, que tu penses que c’était dégueulasse de te foutre ici, tu pourras m’en vouloir.

J’ai toujours considéré qu’il était plus noble, plus conscient, plus charitable d’y vivre que de ne rien y vivre. Éternel athée, je ne crois en aucun fondement déiste de cette vie, je pense qu’elle est absolument et fondamentalement la résultante d’au moins une personne, que parent est le pire job du monde et que l’on peut souhaiter à minima que ceux-là sachent pourquoi ils mettent un gamin au monde. Ta mère et moi savons ce qui t’amène ici-bas, nous connaissons l’égotisme de te faire vivre et nous croyons presque religieusement au fait qu’il soit important de te permettre plutôt que jamais.


Pour être parfaitement sincère, que nous soyons encore là ou non, nous n’avons jamais pensé à toi avant de t’amener dans ce chaos, nous avons juste considéré qu’il serait toujours plus humain de mettre au monde que de laisser un brouillard. Nous avons toujours essayé de te donner tout ce qui était nôtre, sans jamais t’imposer, ta mère et moi. Comme deux cons d’ermites, ne sachant jamais comment faire, mais essayant toujours, c’est la vie de parents, nous t’avons toujours aimé, nous avons toujours essayé, on s’est sûrement plantés. Je ne t’en voudrais jamais de vouloir en finir, ou bien pire ! De vouloir en baiser l’humanité, tu feras tes choix, on a essayé qu’une chose avec ta mère, c’est de te donner l’envie, si tu n’as voulu de l’odeur de l’humanité, c’est soit que l’on se sera trompé, sois qu’à travers le chemin, tu y auras découvert autre chose.


Je t’aimerai toujours même si tu deviens un prédateur, j’irais me faire tuer pour toi, j’irais me faire condamner !

Pas que tu sois un fils de bien, mais juste que tu n’es pas un fils de rien, que tu es le mien et que j’essayerais toujours de te faire autre que ce que j’ai pu vivre, d’être autre qu’un gamin des rues.


Tu seras peut-être une infamie, je veux déjà vivre sans eux, alors, ma retraite n’en sera que plus volontaire. Je ne pense pas qu’un parent réussisse jamais, mais il est certain que si leur enfant devient une infamie, il est absolument question de son éducation.


Et pourtant, jamais aucun parent ne se pose la question de l’infamie de leur enfant, il est toujours question de réussite. C’est une fabrication sociale qui a maintenant trois siècles, celle de la réussite en prédation, aucun parent ne se posera jamais la question d’un enfant aidant, c’est inintéressant, par cintre il sera toujours synonyme de progrès si celui-ci réussit dans la banque, la finance ! C’est absurde, cela va même à l’inverse de toute pensée, mais c’est pourtant le monde qui nous élève.



Pour conclure, enfant, je serais heureux et je me tuerais dans tout ce que tu deviendra, je m’excuserait de tout ce que j’ai pu être et je serais toujours le cris de toutes ambitions, que ce soit celle que je t’aurais apprises, responsable, ami de la terre, ou celle d’un putain de tueur, je ne pourrais jamais te condamner de toutes sentences, tu sera toujours celui ou celle pour lequel j’aurais toute pitié, tu sera toujours ce qui valait de vivre face au néant.


Qu’elle que soit ta vie nous l’aurons souhaité et nous assumons de t’avoir fait être ici-bas, il y a une volonté de notre part, mais aussi celle de l’amour, que l’on ait réussi ou échoué, nous espérons que tu sauras comprendre l’intérêt de te porter à la vie.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire